ETTORE SCOLA (1931-2016) SCÉNARISTE, RÉALISATEUR
- Alberto Sordi, Carla Gravina, Fanny Ardant, Giancarlo Giannini, Jack Lemmon, Marcello Mastroianni, Massimo Troisi, Monica Vitti, Nino Manfredi, Ottavia Piccolo, Philippe Noiret, Sophia Loren, Stefania Sandrelli, Stefano Satta Flores, Ugo Tognazzi, Vittorio Gassman
- Ettore Scola
- Comédie, Comédie à l'italienne
- 1931-2016
- Italie, France
- Age & Scarpelli, Ettore Scola, Ruggero Maccari
- Armando Trovajoli
Synopsis
Ettore Scola est né à Trevico en Campanie mais très peu de temps après sa naissance, ses parents s’installent à Rome. Il fréquente le lycée Pilo Albertelli et à l’âge de 15 ans (à l’après guerre donc) participe par ses dessins humoristiques à la revue satirique ‘Marc’Aurelio’. revue dont l’humour est plutôt introspectif sur le comportement des italiens, et aussi à la revue ‘Il Travaso delle idee’ fondée par le père de Furio Scarpelli (1919-2010).
Ce dernier collabore aussi à la revue Marc’Aurelio ainsi que divers personnages qui feront l’Histoire du cinéma italien de la deuxième moitié du XXème siècle. Outre Scola et Scarpelli on retrouve Agenore Incrocci (1919-2005) (ils deviendront les plus célèbres scénaristes de la comédie à l’italienne connus sous la bannière Age & Scarpelli), Federico Fellini, Marcello Marchesi, Cesare Zavattini et Mario Bava fondateur du giallo au cinéma).
A la fin des années 1940 Ettore Scola écrit des textes pour la radio italienne (petits sketchs humoristiques, ou feuilletons radiophoniques) qui seront bien des fois interprétés par Alberto Sordi. C’est là qu’il apprend l’écriture scénaristique.
Il écrit son premier scénario au sein d’une collaboration (comme la plupart du temps en Italie) en 1953 pour le film « Fermi tutti… arivo io » de Sergio Grieco. Il rencontre dans le pool de scénaristes Ruggero Maccari (1919-1989) avec lequel il aura une collaboration fructueuse non seulement pour les scénarios des autres Dino Risi par exemple pour lequel ils écriront ces comédies à l’italienne : « L’homme aux cent visage » (« Il mattatore« ) (1960), « Le fanfaron » (« Il sorpasso« ) (1962), « La marche sur Rome » (« La marcia su Roma« ) et le film à sketchs « Les monstres » (« I mostri« ) (1963). A chacun de ces films le duo Age & Scarpelli est aussi de la partie. A eux quatre (Scola Maccari, Age et Scarpelli ils forment un quatuor où les séances d’écriture étaient homériques. Ettore Scola faisant mine de monter dans des colères romaines contre le duo Age & Scarpelli qui lui répondaient vertement, Ruggero Maccari ayant pour rôle d’apaiser les tensions. Mais dans le fond tout ce petit monde s’aimait beaucoup et c’était plus théâtral qu’autre chose. D’ailleurs le nombre de leur travaux communs est impressionnant. Ils se fréquentaient plus qu’ils ne fréquentaient leurs femmes.
Le duo Maccari-Scola écrira pour bien d’autres et toujours accompagnés de deux ou trois scénaristes supplémentaires pour : Mario Mattoli (« I giorni più belli« ) (1956), Nanny Loy (« Il marito« ) (1958), Alberto de Martino (« Due contro tutti« ) mais aussi et surtout Antonio Pietrangeli « Le célibataire » (« Lo scapolo« ) (1955), « Les époux terribles » (« Nata di marzo« ) (1958), « Adua et ses compagnes » (« Adua e le compagne« ) (1960), « Fantômes à Rome » (« Fantasmi à Roma« ) (1961), « La parmigiana » (1963), « Annonces matrimoniales » (« La visita« ) (1964), « Le cocu magnifique » (« Il magnifico cornuto« ) (1964) et « Je la connaissais bien » (« Io la conoscevo bene« ) (1965).
En 1964 Ettore Scola décide de se lancer dans la réalisation. Bien entendu avec Ruggero Maccari il écrit le scénario de « Parlons femmes » (« Se permettete parliamo di donne« ) film à Sketch dans lequel Vittorio Gassman interprète plusieurs personnages. Ils écriront une grande partie des films réalisés par Ettore Scola. Parfois le réalisateur ne travaillera qu’avec Age & Scarpelli.
Ettore Scola retrouvera l’acteur à plusieurs périodes de sa filmographie. Avec « Nos héros retrouveront-ils leur ami mystérieusement disparu en Afrique? » (« Riusciranno i nostri eroi a ritrovare l’amico misteriosamente scomparso in Africa?« ) (1968) Ettore Scola ne réussit pas complètement le film mais il a la confiance des producteurs et cette comédie à l’italienne rencontre son public.
L’année suivante il tourne « Il commissario Pepe » (1969) avec Ugo Tognazzi. Policier débonnaire plus spectateur qu’autre chose des perversions (surtout sexuelles) de la société d’une ville du nord de l’Italie. Sexe, religion, hypocrisie, argent, pouvoir, politique, tout cela s’entremêle et le commissaire Pepe observe et ne réagit pas. Ettore Scola avec ce film met la politique au centre de ses questionnements. Il ne cessera de le faire.
C’est avec le film « Drame de la jalousie » (« Dramma della gelosia (tutti i particolari in cronaca)« ) (1970) que la carrière en tant que réalisateur de Scola va réellement décoller. Le succès du film est international. Dans ce film il dirige Marcello Mastroianni, son second alter ego après Vittorio Gassman. Il y a aussi Monica Vitti et Giancarlo Giannini. En quatre films il tourne avec les cinq grands acteurs de la comédie à l’italienne : Vittorio Gassman, Nino Manfredi, Alberto Sordi, Ugo Tognazzi et Marcello Mastroianni
L’année suivante il retrouve ce dernier pour « Je suis Rocco Papaleo » (« Permette? Rocco Papaleo« ) avec Lauren Hutton film peu connu où un boxeur au grand cœur parti aux Etats-Unis tenter sa chance devient un looser auquel il arrivera bien des mésaventures. Le film est un échec.
Cele ne l’empêche pas en 1972 de tourner pour un film au casting franco italien qui se situe en Suisse « La plus belle soirée de ma vie » (« La più bella serata della mia vita« ). Film pour lequel il retrouve Alberto Sordi. Il interprète un riche entrepreneur italien qui vient planquer son pognon en Suisse, et qui suit une belle femme sur une moto sur les routes escarpées des Alpes. Pour se retrouver dans un château ou quatre anciens juges vont lui faire un procès.
Ettore Scola prend une respiration de deux années et tourne trois films documentaires, puis s’attelle à son chef d’œuvre « Nous nous sommes tant aimés » (« C’eravamo tanto amati« ) (1974) comédie à l’italienne assez amère sur l’amitié entre quatre résistants au fil des trente années qui succédèrent à la fin de la seconde guerre mondiale. Le film est un constat difficile pour le cinéaste dont les sympathies communistes sont connues, des échecs d’une gauche incapable de prendre le pouvoir en Italie et de transformer la société. Ce film dédié à Vittorio de Sica est aussi un hommage au cinéma italien. A travers un jeu ‘Quitte ou double’ (lascia o radoppia). Une splendide scène de reconstitution du tournage de « La dolce vita » traverse le film. Le film reçoit trois Nastri d’argento dont un pour Age & Scarpelli
L’année suivante Ettore Scola tourne un documentaire puis en 1976 c’est le coup d’éclat « Affreux, sales et méchants » (« Brutti, sporchi e cattivi« ). Ettore Scola filme une famille de pauvres qui vit dans un bidonville sur une colline romaine. Il y montre la dureté de la vie et de ses gens qui ne se font pas de cadeaux entre eux. Film de comédie à l’italienne avec une vision noire et pessimiste sur la santé de la société italienne de ces années-là. Le film est un tollé général.
Cette même année il tourne un sketch pour « Mesdames et messieurs bonsoir » qui se veut une suite de « Ces messieurs dames » (« Signore e signori« ).
Il retourne en 1977 au long métrage pour un nouveau chef d’œuvre tout en abandonnant la comédie à l’italienne pour se tourner vers le drame.
Il retrouve Marcello Mastroianni et convoque Sophia Loren pour un film intimiste mais absolument magnifique. Il s’agit de « Une journée particulière » (« Una giornata particolare« ). Marcello Mastroianni interprète Gabriele un homosexuel et Sophia Loren, Antonietta une femme au foyer.
L’action se situe le 8 mai 1938 lors de la rencontre entre Adolf Hitler et Benito Mussolini. Ils habitent dans un immeuble vidé de ses habitants qui se sont rendus sur les lieux de la rencontre entre les deux dictateurs. Tous deux se sentent marginalisés par le régime.
Le film le plus primé du cinéaste. Il reçoit entre autre Golden globe et César du meilleur film étranger. En Italie Ettore Scola reçoit le David di Donattelo du meilleur réalisateur.
Cette même année il tourne quelques sketchs (parmi les meilleurs) du film « Les nouveaux monstres » (« I nuovi mostri« ).
Ce n’est qu’en 1980 qu’Ettore Scola reprend le stylo et la caméra. Il met un point final à la comédie à l’italienne avec « La terrasse » (« La terrazza« ). Nouveau film en forme de bilan négatif pour les bourgeois de gauche incapables depuis les années 1960 d’avoir changé la société. Ici l’amertume l’emporte largement sur la comédie. Les désillusions sont trop fortes pour en exprimer une quelconque matière à sourire. Enorme distribution des rôles : Jean-Louis Trintignant, Vittorio Gassman, Ugo Tognazzi, Marcello Mastroianni, Serge Reggiani, Stefania Sandrelli, Carla Gravina, Stefano Satta Flores…
Il enchaîne l’année d’après avec son premier film en costume et sa première adaptation littéraire. « Passion d’amour » (« Passione d’amore« ) (1981) raconte au XIXème siècle l’histoire d’un soldat attiré par deux femmes. L’une magnifique mais mariée, l’autre laide et malade. Ce film est assez méconnu du public. Bernard Giraudeau, Massimo Girotti, Jean-Louis Trintignant, Laura Antonelli et la très surprenante Valeria D’Obici qui remporte un David di Donatello d’interprétation, sont de l’aventure.
Il enchaîne avec un autre film en costume « La nuit de Varennes » (« Il mondo nuovo« ) (1982). Ce scénario se fait sans ses complices habituels. C’est Sergio Amidei et lui qui adaptent un roman de Catherine Rihoit.
Films d’aventures tout à fait fantaisistes sur le plan historique mais qui cherchent à recréer l’ambiance de la France en 1791 alors que Louis XVI et sa famille viennent de quitter Paris. Marcello Mastroianni interprète un Giacomo Casanova plus vrai que nature. On y trouve une somptueuse distribution internationale : Hanna Schygulla, Jean-Louis Barrault, Harvey Keitel, Laura Betti, Jean-Claude Brialy entre autres… Le film reçoit le David di Donatello du meilleur scénario.
Ettore Scola change à nouveau de registre et s’embarque dans un film audacieux, « Le bal » (« Ballando, ballando« ) (1983). En France, par le vecteur de la danse de salon, des couples de danseurs se font et se défont au travers de 50 ans de musique des années 1930 au années 1980. Film au scénario minimaliste, le réalisateur collabore avec une troupe d’acteurs-danseurs du théâtre du Campagnol dirigé par Jean-Claude Penchenat.
Le film rencontre un public assez restreint mais obtient une reconnaissance de la critique et de la profession qui en France lui donne le César du meilleur film, du meilleur réalisateur et de la meilleure musique arrangée par Vladimir Cosma. La production française lui ayant empêché d’avoir Armando Trovajoli son ami et musicien qui l’accompagne au long de sa filmographie.
Ettore Scola tourne un documentaire collectif politique « L’addio a Enrico Berlinguer » leader du parti communiste italien, a l’occasion des funérailles du leader du PCI.
Retour en Italie et en particulier à Naples avec « Macaroni » (« Maccheroni« ) (1985) Ettore Scola entame un cycle nostalgique qui finalisera sa filmographie. Il retrouve Marcello Mastroianni et lui adjoint Jack Lemmon. Ce dernier interprète Robert Traven un industriel de l’aéronautique qui vient à Naples pour le business. A son hôtel l’attend Antonio le frère d’une ex petite amie alors qu’il était G.I. à la fin de la guerre de 1939-1945. Si au début Traven ne veut pas entendre parler de son passé, la magie du personnage d’Antonio finit par faire tomber les barrières et les voici qui retournent sur leurs souvenirs… Film très mal accueilli aux Etats-Unis malgré l’excellente prestation de Jack Lemmon.
En Europe le film a un petit succès.
Après deux années avec Ruggero Maccari, Furio Scarpelli et Graziano Diana il tourne ce qui sera son dernier chef d’oeuvre. « La famille » (« La famiglia« ) (1987). Le film dissèque de 1906 à 1986 une famille bourgeoise de Rome dans son appartement au fil du temps. Le film contient 9 périodes et entre chaque périodes il se passe 10 années. Vittorio Gassman, Stefania Sandrelli, Fanny Ardant, Philippe Noiret, Ottavia Piccolo et Sergio Castellito compose la distribution des rôles.
Le film est terriblement virtuose.
En 1989 Ettore Scola tourne deux films (à mon avis ses deux grands derniers).
Tout d’abord « Splendor » film hommage au cinéma dont la crise en Italie a été d’une brutalité énorme. Marcello Mastroianni, Massimo Troisi et Marina Vlady sont de la distribution dans ce film où une petite salle lutte pour sa survie dans une ville moyenne. Le film est empreint de nostalgie. Certains diront qu’il est passéiste.
Il retrouve Marcello Mastroianni et Massimo Troisi pour « Quelle heure est-il? » (« Che ora è?« ) qui traite des rapports difficiles entre un père riche avocat, et son fils qui finit son service militaire mais au caractère plus renfermé que son père et qui veut voler de ses propres ailes. Son père vient lui rendre visite pendant une journée et cherche à se rapprocher maladroitement et retisser les liens qui se sont distendus depuis son divorce. Le film est un mano à mano entre Marcello Mastroianni et Massimo Troisi.
Cette année-là décède Ruggero Maccari. Le cinéma de Scola va s’en ressentir.
Retour à la coproduction franco italienne avec « Le voyage du capitaine Fracasse » (« Il viaggio di capitan Fracassa« ) (1990) étrange adaptation du roman de Théophile Gautier où les personnages ne sont pas respectés dans leur caractère. Le film est plutôt mal reçu par la critique et le public.
Ettore Scola traverse alors une très mauvaise passe artistique et « Mario, Maria e Mario » co-écrit avec sa fille Silvia est symptomatique d’une baisse artistique.
Le réalisateur reprend un peu du poil de la bête avec « Le roman d’un jeune homme pauvre » (« Romanzo di un giovane povero« ) (1995) où il retrouve Alberto Sordi pour son avant dernier film. Sombre histoire de meurtres entre voisins. Le film tente de renouer avec la comédie à l’italienne. Mais le cœur n’y est pas.
Avec « Le dîner » (« La cena« ) (1998) il tente de retrouver le cinéma de son apogée comme « La terrasse » et « La famille« . Le film n’ a pas la virtuosité de ses films d’antan même s’il est plaisant à suivre. La distribution italo-française est luxueuse : Fanny Ardant, Vittorio Gassman, Giancarlo Giannini, Stefania Sandrelli, Marie Gillain…
Après 3 années de vaches maigres, il revient avec « Concurrence déloyale » (« Concorrenza sleale« ) (2001). Film sur les lois raciales calquées sur celles du régime nazi et promulguées en 1938 par le régime fasciste.
Enfin Ettore Scola quitte le cinéma avec une belle ode à la ville de Rome « Gente di Roma » (2003). Film qui du lever du jour au couchant montre comment les romains vivent et s’approprient leur ville. Le film est à cheval entre le documentaire et la fiction.
Ettore Scola laisse l’emprunte d’un grand de la comédie à l’italienne et d’un romain de cœur. D’un réalisateur de gauche qui a su très tôt décrypter l’impasse de la gauche italienne dans les années de plomb. Un homme qui s’est replié sur le cinéma, alors qu’il traversait une crise énorme en Italie.