Synopsis
Christian Martin est un modeste comptable d’une entreprise. Il se rend chez son employeur Bertrand Barnier et le fait tirer du lit par son majordome car il a une importante nouvelle à annoncer. Auparavant il dit à ce dernier qu’il prendra le petit déjeuner avec monsieur Barnier et lui demande aussi de préparer une aspirine et de lui mettre à portée de main une clochette. Quand monsieur Barnier sort de sa chambre en peignoir c’est plutôt de mauvaise humeur. Celle-ci empire quand son employé lui annonce qu’il veut être augmenté et obtenir un statut de cadre, parce qu’il doit demander la main à une jeune fille de haute société et qu’il a honte de son statut de comptable et ne pourra permettre à sa future femme de lui assurer le train de vie qu’elle mène chez son père. Pour faire passer cela Christian Marin annonce qu’il a détourné 60 millions de francs à l’entreprise Barnier qu’il est prêt à restituer s’il obtient gain de cause…
CRITIQUE
Adaptation plutôt enlevée et réussie d’une pièce de théâtre à succès écrite par Claude Magnier, créée par Pierre Mondy et Jean-Paul Belmondo en 1958 et reprise par Louis de Funès et Guy Bertil en 1961 avec grand succès.
Ce qui pousse les producteurs à adapter la pièce pour le cinéma. Edouard Molinaro sort d’un échec « Peau d’espion » (1967) avec Louis Jourdan et Senta Berger. Et ce film est l’occasion pour lui de se refaire une popularité.
Il réfléchit sur l’adaptation de la pièce et décide avec Jean Halain de créer un décor sur trois étages et de resserrer le temps supprimant ainsi les ellipses. Le film se déroulant donc en quasi temps réel. Soit 80 minutes.
Le décor inventif est le comble du mauvais gout pour nouveaux riches aux matières tape à l’œil et aux couleurs criardes. Et le fait qu’il soit sur 3 étages donne l’impression d’une immense cage de laboratoire ou au lieu de souris et de hamsters qui y vont et viennent ce sont les personnages et surtout celui interprété par Louis de Funès, qui survolté, monte et descend à toute vitesse les étages dans cet étroit escalier en colimaçon, ne lui manque qu’une roue pour tourner en rond.
Roue qu’il finira d’ailleurs par imaginer en tournant en rond dans son salon après qu’on lui eut annoncé qu’il n’a pas une fille mais deux!
Edouard Molinaro ne s’en cache pas : sur le film toute l’inventivité des scènes reviennent à Louis de Funès. Lui n’était là finalement que pour mettre en image les mimiques incroyables de son acteur et canaliser tout cela, sans tomber non plus dans les pièges du champ-contrechamp. Et donner encore plus de vitesse avec ses caméras.
Pari réussi le film va tambour battant, les événements se succèdent en cascade et le personnage principal reçoit coups sur coups. Il tente bien de retourner les situations à son avantage mais il y a toujours une satanée valise de sous-vêtements qui réapparaît et deux filles à caser.
Étonnamment Claude Rich s’en sort à la perfection face au jeu survolté de son partenaire dans un contraste de jeu plus distancé. Cette réussite donne au film l’équilibre nécessaire, pour en faire un bon film et une comédie mémorable.
Claude Gensac s’impose en « madame de Funès » à l’écran ce qu’elle n’est pas à la ville et jouera encore 7 fois ce rôle. Celui d’une femme un peu évaporée mais qui tient son homme. Malgré une multitude de rôles au théâtre et au cinéma sans Louis de Funès c’est cela que gardera la mémoire collective de Claude Gensac.
Mario David est tout aussi formidable en masseur kinésithérapeute brut de décoffrage qui se retrouve, par décret de son patient, fiancé à sa fille et qui ne comprend rien aux gesticulations et explications de celui-ci.
Paul Préboist joue le majordome benêt avec conviction.
Reste Agathe Natanson un brin insupportable. Et ses hauts cris « de comédie » ne m’ont pas franchement convaincu. Après tout ce n’est pas grave.
Enfin un mot sur la musique de Jean Marion orchestrée par Georges Delerue. Elle vous entraîne dès le générique dans un agréable tourbillon, où les phrasés de notes sont repris les uns les autres. Une belle réussite.
LA SCÈNE D’ANTHOLOGIE
La valise contenant les bijoux ayant disparu deux fois voici que maintenant c’est celle avec les 60 millions en billets de banque qui se volatilise remplacée par les sous-vêtements de la bonne devenue entre-temps madame la baronne. Bertrand Barnier sombre dans une crise d’hystérie sous les yeux de sa femme de son masseur et de sa fille tous bouche bée.
L’ANECDOTE
Louis de Funès aimait que ses gags fissent effet sur le public au théâtre (et cela va de soi) , mais aussi sur l’équipe de tournage de ses films. Mais avec Edouard Molinaro sorte de grand échalas flegmatique, si les clowneries de Louis de Funès l’amusaient c’était intérieurement et jamais ou presque en éclats sonores.
Après les prises, anxieux, l’acteur demandait : « Cela ne vous fait pas rire ce que je fais? »
Réponse gênée du réalisateur : « Si énormément!« .