CANNIBALES (LES)
- Britt Ekland, Delia Boccardo, Francesco Leonetti, Pierre Clémenti, Tomàs Miliàn
- Liliana Cavani
- Drame, Politique
- 1970
- I cannibali
- Italie
- Fabrizio Onofri, Italo Moscati, Liliana Cavani
- Don Powell, Ennio Morricone
Synopsis
Sur une plage un homme est échoué quatre enfants le voient et le secouent. Quand il se réveille, ils s’enfuient dans les dunes. Il les poursuit quand surgissent des hommes armés de fusil qui tirent sur les enfants les abattant tous. L’homme seul reste sauvé hébété par ce qu’il vient de vivre. Dans une vile qui ressemble fortement à Milan (Italie), dans les années 1970, de nombreux morts jonchent ses rues, tandis que les vivants continuent à vaquer à leurs occupations. Des affiches en italien, en anglais et en français interdisent aux gens de toucher aux cadavres des « rebelles » sous peine de mort. Antigone, grande bourgeoise et fiancée au fils du premier ministre aux actions totalitaires, a perdu son frère assassiné par les forces de l’ordre. Son fiancée qui veut faire carrière ne veut pas la risquer en commettant un acte répréhensible par l’Etat totalitaire. Elle est aidée par l’inconnu de la plage à soustraire le cadavre des rues de la ville. Tous deux sont poursuivis par les militaires…
CRITIQUE
Relecture du mythe d’Antigone de Sophocle mais aussi de Jean Anouilh et Berthold Brecht par Liliana Cavani et ses deux scénaristes.
Elle le plonge dans une Italie en proie à la dictature. Une dictature féroce qui laisse les cadavres de ses opposants pourrir dans la rue pour marquer les esprits, et dissuader une autre révolte.
Nous sommes au début des années 1970, la grande peur des intellectuels et de la gauche en général est la tentation du pouvoir démocrate chrétien de glisser vers l’autoritarisme face aux provocations de l’extrême droite qui instaure un climat d’insécurité en perpétrant des attentats qui sont attribués à l’extrême gauche. L’extrême gauche mobilisant la rue dans de grandes manifestations qui paralysent souvent l’économie du pays. La police tend à accroître ses pouvoirs coercitifs, au risque d’en abuser. C’est la « stratégie de la tension » qui attise le feu des années de plomb que connaît l’Italie entre le milieu des années 1960 et le début des années 1980.
De grands réalisateurs vont dénoncer cet état de fait. Elio Petri « Enquête sur un citoyen au-dessus de tous soupçons » « Indagine su un cittadino al di sopra di ogni sospetto« (1970) , Francesco Rosi « Cadavres exquis » (« Cadaveri eccelenti« ) (1976), « Un juge en danger » (« Io ho paura!« ) (1977) de Damiano Damiani.
Liliana Cavani est parmi les premiers à sensibiliser les italiens sur ce danger à l’époque palpable.
Mais Liliana Cavani qui aime choquer et provoquer joue avec les concepts du profane et du sacré dans ce film et en fait un salmigondis difficile à digérer. Moi qui suis athée et me fous de la religion comme de ma première chemise, j’ai trouvé tout ceci assez inutile et symboliquement lourdingue.
Ceci dit le film est quand même par moments (et ils sont nombreux) assez balourd. Quelques scènes sont même peu crédibles. Je pense à la course poursuite qui débute d’un sauna, d’où ils sortent nus, puis se déguisent en prêtres puis en militaire.
Mais le film contient aussi certaines scènes oniriques plutôt réussies. Notamment celles du générique avec les cadavres jonchant les rues de la ville, où l’interrogatoire d’Antigone.
L’interprétation de Pierre Clémenti est vraiment médiocre tandis que Britt Ekland s’en sort plutôt bien dans un rôle peu évident.
Un des bons points du film est la musique du génial Ennio Morricone qui multiplie les mélodies, et réutilise une musique écrite pour « Queimada » (1969) de Gillo Pontecorvo.
LA SCÈNE D’ANTHOLOGIE
La scène de générique d’une ville au petit matin couverte de cadavres laissés à l’abandon sans que personne ne s’en préoccupe.
L’ANECDOTE
Quand Pierre Clementi (1942-1999) tourne ce film il sort à peine de cure de désintox dans un hôpital romain.