Synopsis
Port de New York en 1946, le boss de la mafia Lucky Luciano arrêté en 1936 et condamné à une peine minimum de 30 ans est expulsé des Etats Unis direction l’Italie. Cette grâce est due à ses « services rendus pendant la guerre « Avant de quitter l’Amérique il organise une fête somptueuse à bord du navire à quai. Tout d’abord il se rend en Sicile dans son village natal, puis Naples où il s’installera. Le policier du narco trafics Charles Segura s’insurge contre cette libération et tentera par tous les moyens d’arrêter le mafieux qui depuis Naples a développé le trafic d’héroïne entre l’Europe et les Etats-Unis…
CRITIQUE
Film quasi documentaire d’après un scénario de Tonino Guerra, Lino Ianuzzi et Francesco Rosi qui pose de très bonnes questions sur les relations intimes entre les Etats-Unis et la mafia.
Par exemple pourquoi l’armée américaine a installé lors de la libération du pays des hommes notoirement connus pour appartenir à la mafia et qui se sont allègrement servis en organisant un marché noir pourtant interdit par l’armée américaine?
Pourquoi le procureur Thomas Dewey qui avait monté le procès de 1936 en produisant même de fausses pièces à conviction, le libère t-il en 1946?
Le film montre aussi un homme intelligent et rusé qui voit venir les pièges tendus par la police qui met en place un système de commandement fonctionnant sur le champ de course hippique de Naples.
Francesco Rosi fait un portrait en creux d’un homme à la vie apparemment paisible qui est en fait il capo dei tutti capi et à la tête d’un vaste trafic de drogue transatlantique, qui organise des conférences internationales de mafieux en Sicile et assoit son pouvoir.
Francesco Rosi part du principe que le spectateur avant qu’il se soit installé pour voir le film a fait un travail au préalable de récolte de renseignements sur la mafia italo-américaine.
C’est un film qui donne énormément de dates, de faits, de noms, mais qui en occulte d’autres qu’il faut connaître pour mieux appréhender le film. Il fait donc le pari sur l’intelligence du spectateur et sa curiosité. Si le spectateur n’a pas fait ces « efforts » il a peu de chances de saisir la saveur du film.
Gian Maria Volontè est très crédible en gangster en col blanc malin comme un singe et quoique parfois inquiété par la police jamais emprisonné.
Rôle extrêmement difficile pour Gian Maria Volontè qui est un acteur qui extériorise beaucoup, ici le personnage est une énigme tellement il offre peu d’émotion.
De plus Francesco Rosi s’interdit de donner au spectateur toute scène qui pourrait offrir une once d’empathie au personnage, comme montrer la scène où il a passé une nuit à se faire tabasser par un clan rival, ou encore la mort de sa femme.
Le film est donc d’une froideur implacable, nécessaire pour nous faire toucher du doigt l’abomination de ce fait : La mafia dans les années 1970 régit la Sicile et une grande partie de l’Italie, avec des méthodes capitalistes et, au besoin, répressives.
Francesco Rosi ne s’intéresse pas à l’aspect « thriller » qu’aurait pu lui fournir ce personnage et ses actions. Il préfère donner plusieurs éclairages à travers d’autres personnages qui ont plus ou moins à voir de près ou de loin avec Lucky Luciano.
La caméra est souvent caméra à l’épaule et appuie le côté documentaire de ce film.
Comme de coutume chez Francesco Rosi dans ses films politiques, la musique se fait très discrète.
LA SCÈNE D’ANTHOLOGIE
Lucky Luciano un roquet dans les bras et sa compagne dans l’autre est au champs de courses hippiques et reçoit de furtives visites durant lesquelles de brèves paroles sont échangées, ainsi que des ordres écrits. Au nez et à la barbe de la police italienne. Édifiant.
L’ANECDOTE
Charles Segura qui joue le rôle de l’inspecteur du narcotics bureau, interprète son propre personnage. Il a lui même participé à la pourchasse du chef mafieux.