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Synopsis

Rome milieu des années 1970, Giovanni Vivaldi et son fils Mario rentrent d’un week-end de pêche en tête-à-tête. Il est fier Giovanni très fier : son fils vient d’obtenir son diplôme de comptable. Mais ce n’est pas tout il lui faut maintenant trouver un travail. Quand ils rentrent à la maison il promet à sa femme de plaider la cause de Mario à son supérieur. Giovanni va tenter de pistonner son fils au ministère des affaires sociales ou il travaille pour les retraités. Mais ce ceci vaudra à Giovanni un véritable parcours d’obstacles…

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CRITIQUE

Mario Monicelli (1915-2010) avec les années de plomb et la désespérance qu’elles vont amener chez les intellectuels, n’a plus le goût de sauver ses congénères italiens. Il signe un film qui commence comme une comédie à l’italienne et bascule dans le drame soudainement avec un goût prononcé pour le nihilisme sur la fin. Le pessimisme du réalisateur annonce aussi le sketch hilarant « First aid » lui aussi très désespéré vis-à-vis de l’Italie (sa population et ses institutions : église, armée, hôpital public) du film « Les nouveaux monstres » (« I nuovi mostri« ) (1977).

Le film est titré d’un roman de Vincenzo Cerami (1940-2013). Premier roman autour duquel les bonnes fées de la littérature (Italo Calvino, écrit une présentation) puis du cinéma (Mario Monicelli) vont se pencher.

Le réalisateur s’appuie aussi sur l’expérimenté scénariste Sergio Amidei (1904-1981) pour décocher ce film vachard.
Sergio Amidei a travaillé avec les plus grands :  Roberto Rossellini « Rome, ville ouverte » (« Roma città aperta« ) (1945), Vittorio de Sica « Sciuscià » (1946) Luciano Emmer « Un dimanche d’août » (« Domenica d’agosto« ) (1950), Luigi Zampa « Les années difficiles » (« Anni difficili« ) (1948).

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Mario Monicelli et ses comparses n’épargnent pas la famille (chose sacrée en Italie). Le père petit fonctionnaire noyé sous la paperasse à son boulot, humilié par sa hiérarchie; la mère confite en dévotion, totalement effacée devant ses deux mâles (mari et fils) et enfin le fils qui malgré un frais diplôme de comptable s’avère être particulièrement crétin. Le père et la mère Vivaldi portant leur fils guère futé au pinacle. Assurés d’avoir mis au monde la 8ème merveille du monde.

Au ministère le tableau n’est guère plus brillant. Le chef de Giovanni assis derrière son bureau récolte méticuleusement les pellicules dans ses cheveux sur le sous-main avant de s’en débarrasser non sans avoir contemplé consciencieusement sa répugnante récolte.

Dans cette Italie ou l’individualisme règne, où l’on trouve un emploi (même le plus anodin) par piston; même la franc-maçonnerie ne représente plus qu’un moyen désuet et ridicule pour obtenir un poste de travail.
La description de cette médiocrité générale dans la première moitié du film est balancée par un humour vachard dans la droite tradition de la comédie à l’italienne.

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Mais ici on sent le désespoir qu’avait touché du doigt « Mes chers amis » (« Amici miei« ) (1975) bien plus virulent.

La seconde moitié du film est quant à elle une plongée dans le drame. Tout d’abord le drame de l’Italie brisée par les années de plomb qui ont vu une violence politique mais aussi sociale décuplée, et le drame des italiens qui, individuellement, peuvent être touchés dans leur chair par cette violence.

Même le prêtre fait appel à Dieu pour une apocalypse qui viendrait nettoyer toutes cette violence, cette incompréhension, cette société martyrisée.

Alberto Sordi prototype du petit bourgeois romain dans les comédies italiennes montre ici la vaste étendue de son immense talent. Et son basculement dans la violence sanguinaire arrive tout naturellement et fait froid dans le dos.
Il signe une scène poignante dans laquelle il parle à sa femme dans son fauteuil roulant jusqu’au moment où il s’aperçoit que celle-ci n’est plus. Scène magistrale, sans effets de caméra. Un des grands films de l’acteur.

Shelley Winters est tout à fait crédible en italienne moyenne confite en religion, et à l’entier service de ses deux mâles.

La musique de Giancarlo Chiaramello met bien en exergue cette sensation de comédie amère qui devient un drame terrible et alterne ainsi les thèmes mélodiques qui font penser à des battements de cœur du père pour son fils, avec les thèmes à base de percussions et d’instruments stridents comme dans les musiques de films policiers ou le giallo. Excellent travail.

 

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LA SCÈNE D’ANTHOLOGIE

Ultime scène de comédie acide, la visite de Giovanni Vivaldi au cercueil de son fils en pleine grève des services de pompe funèbre. Les cercueils sont placés dans une sorte de hangar et empilés les uns sur les autres à grand renfort de chariot élévateur au milieu des cris, des pleurs, où le recueil est totalement impossible, quand ce ne sont pas les gaz qui émanent des corps en décomposition et qui font sauter les cercueils, déclenchant des pêle-mêle de caisses en bois.
Cette scène signe l’adieu de Mario Monicelli à la comédie à l’italienne qui semble désormais dépassée dans son rôle d’assainissement par le rire.

L’ANECDOTE

Dernier grand film de Mario Monicelli, il a tourné jusqu’à la fin de sa vie et des film de bon aloi mais sans jamais recouvré cette inspiration grandiose.

NOTE : 18/20

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